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Photo du rédacteurJennyfer Montantin

Diversité et inclusion : des mots au passage à l’acte

Dernière mise à jour : 5 oct. 2020


Les sujets de la diversité et de l’inclusion sont plus que jamais d’actualité dans les entreprises. Pour autant, dans les faits, les chiffres sont relativement timides. Mais commençons par définir les concepts de diversité et d’inclusion.

Selon Thais Compoint, Fondatrice et Directrice Générale de Déclic International :

La diversité c’est « le mélange des différences, visibles et invisibles : des différences de genre, d’âge, d’origine, d’orientation sexuelle, de religion, de différentes façons de penser, de communiquer, d’éducation. C’est très large ».

La diversité n’est en effet pas un concept monolithique, on en dénombre en réalité trois types:

· La diversité de surface ou visible (sexe, âge, capacités physiques, origines ethniques…)

· La diversité moyenne ou de connaissance (CV, expérience, parcours…)

·La diversité profonde ou invisible (personnalité, style cognitif, capacités de raisonnement…)

L’inclusion quant à elle est « une notion nouvelle, qui signifie une culture dans laquelle nous sommes tous ensemble dans le vrai respect des différences. On se sent à l’aise d’être soi-même, ce qui fait que la diversité peut fonctionner au sein d’une entreprise ».

Toujours selon Thais Compoint, “la diversité et l’inclusion permettent aux entreprises de mieux faire face aux changements démographiques, culturels et technologiques. Elles font partie du kit de survie de n’importe quelle organisation.”

La diversité et l’inclusion seraient donc, au-delà d’un atout en termes d’engagement social et sociétal, une vraie force pour les organisations en terme de performance économique.

Mais alors quels sont alors les freins à leur mise en œuvre ? Et quelles pistes pragmatiques et innovantes développer pour en optimiser le développement au sein des organisations ?

Inclusion et diversité, un sujet pour les entreprises depuis plus de huit ans


Les politiques autour de la diversité au sein des entreprises trouvent leur origine première dans un renforcement règlementaire à l’œuvre au début des années 2000, en particulier à l’échelle européenne. Mais Caroline Del Torchio, Senior Manager chez Identité RH, explique que leur mise en œuvre correspond en réalité à trois motivations clés pour les organisations :

· Un impératif de gestion du risque : les entreprises sont soumises à des obligations légales en termes de diversité, et au-delà du risque financier, les actions en justice entérinées par les salariés s’estimant victimes de discrimination représentent un risque d’image et de réputation important.

· La volonté de mettre en œuvre une démarche éthique et citoyenne : sous l’impulsion externe des pouvoirs publics et de l’opinion, les entreprises ont développé des politiques RSE intégrant un volet diversité. Il s’agissait au départ de jouer un rôle sur des territoires où une catégorie de la population était marginalisée, mais aussi de trouver une cohérence avec les valeurs défendues par les entreprises. Ce phénomène s’est amplifié avec le temps, alors que l’opinion publique a développé une défiance à l’égard des entreprises et réclamé davantage d’engagement et de transparence.

· La recherche de performance économique : une équipe diversifiée permettrait de mieux comprendre les attentes de différents types de clientèle, de développer de nouveaux marchés et une capacité d’innovation, ainsi que de mieux s’adapter au changement. Un facteur de développement économique fort pour les organisations.

Pourquoi le sujet devient particulièrement crucial aujourd’hui ?


Dans le contexte du futur du travail, le corps social exprime un besoin fort de retrouver du sens. Cette transformation, couplée au défi du changement climatique, amène les entreprises à dépasser la notion de « Responsabilité sociale et environnementale » pour développer un rôle sociétal plus affirmé, directement intégré à leur ADN et à leur projet économique. Au XXIème siècle, les entreprises porteront une « raison d’être non réductible au profit », une notion qui les invite à rapprocher la RSE de la stratégie réelle. Performance économique et bien commun ne font plus qu’un et l’entreprise traduit son activité en terme d’impact : de quoi rétablir la transparence et éviter les risques de greenwashing et de socialwashing.


Diversité et inclusion apparaissent alors comme des leviers clés pour relever ce défi. Dépassant le simple engagement social, elles deviennent des atouts économiques permettant aux entreprises de mieux comprendre leur environnement et répondre aux besoins clients, développer une plus grande capacité d’innovation et de transformation, et augmenter l’engagement des collaborateurs en répondant mieux aux attentes des nouvelles générations.

A noter : 57% des 18-34 ans estiment que leurs entreprises devraient accroître la diversité et l’inclusion sur le lieu de travail d’après Glassdoor !


Une étude récente de l’Organisation Internationale du Travail a également démontré que les entreprises inclusives avaient 60% de chances en plus d’améliorer leurs résultats et de fidéliser les talents sur la durée. Et d’après les DRH et dirigeants interrogés dans le cadre de la dernière étude Deloitte sur le sujet, « l’impact sociétal, dont la diversité et l’inclusion, est désormais le premier facteur permettant d’évaluer la réussite et la performance d’une organisation ».

Quels sont les écueils à éviter pour favoriser la diversité et l’inclusion ?


Malgré son évident bénéfice, le développement de la diversité et de l’inclusion rencontre de nombreux freins et écueils au sein des organisations. Voici les plus courants :


· Vouloir aller trop vite : le poids des stéréotypes et des préjugés est lourd car ancré dans l’inconscient collectif. C’est un prisme d’appréhension du réel difficile à bouleverser, si bien qu’il faut accompagner le changement de perception au sein des organisations. Recruter rapidement des profils issus de la diversité ou perçus comme atypiques n’est en effet pas suffisant, il faut favoriser leur intégration, former les managers, sensibiliser les équipes (au handicap par exemple) pour que le changement s’opère en profondeur et se mue en véritable culture d’entreprise.


· Penser court terme : un des écueils rencontré par les recruteurs consiste à se concentrer sur les indicateurs de performances. Or, remplir des quotas en se concentrant uniquement sur le recrutement ne suffit pas, loin de là. La politique de diversité et d’inclusion doit assurer le développement et l’épanouissement du collaborateur suite à son embauche. L’objectif étant de fidéliser les talents sur le long terme mais aussi de favoriser leur succès en interne.

· Passer par les mêmes canaux de recrutement : souvent, les entreprises recrutent dans les mêmes bassins d’embauche (niveau d’étude, diplômes, type d’expérience, université ou écoles spécifiques…). Or, passer par les mêmes réseaux ne favorise pas la diversité et l’inclusion, qui s’expriment au travers d’expériences de vie et de parcours variés.

· Oublier de faire vivre les beaux concepts derrière la diversité et l’inclusion : la diversité et l’inclusion doivent être intégrées à tous les niveaux de l’entreprise et faire l’objet d’un plan de promotion réalisé sur la durée et sur tous les canaux de communication disponibles. « Une entreprise vraiment inclusive est une entreprise qui a d’abord acquis la conviction que la toute première de ses richesses, ce sont les individus qui y travaillent, et qui explore en profondeur toute l’étendue de cette richesse. Notamment en œuvrant à révéler les « talents cachés » de chacun », conseille Biliana Todorovic, Directrice en charge des activités People, Change & Transformation au sein de CGI Business Consulting, dans une interview pour l’ADN.

Comment démarrer concrètement dans cette démarche ?


Pour Laurence Monnet-Vernier, associée conseil chez Deloitte, « pour engager une démarche qui porte des résultats, l’inclusion doit sous-tendre l’ensemble de l’expérience employée et des politiques qui structurent la vie en entreprise : l’organisation et les modes de travail, la politique sociale, les politiques et systèmes RH… Les entreprises interrogées agissent sur la plupart de ces leviers tout en portant chacune une approche spécifique ».

Seule une transformation culturelle et structurelle à tous les niveaux des entreprises, favorisée par un leadership fort de la part du Top Management, pourra favoriser efficacement et durablement la diversité et l’inclusion. L’entreprise doit établir des valeurs qui guideront toutes ses actions de recrutement et de management dans le sens de l’ouverture d’esprit, du respect, de la curiosité et de la valorisation des différences. Les collaborateurs et l’organisation doivent être accompagnés dans une démarche globale, intégrée et collective. Il est du devoir de la Direction d’une entreprise d’indiquer clairement à ses collaborateurs qu’il est essentiel d’être qui l’on est sur son lieu de travail.

Qui sont les acteurs de la diversité et de l’inclusion ?


· Les dirigeants, qui comme nous venons de le voir, doivent incarner le changement en reconnaissant la singularité comme un pilier clé de l’entreprise. Ils doivent faire preuve de leadership pour diffuser cette culture et créer un cadre favorable à l’inclusion et à l’intelligence collective.

· Les managers, qui eux doivent faire preuve d’ouverture d’esprit et d’intelligence humaine pour s’adapter à tous les types de profils, mais aussi apprendre à développer leurs équipes sans a priori, en tirant parti de tous les talents.

· Les collaborateurs, qui doivent sortir d’un « moule » dans lequel ils ont été amenés à évoluer pour exprimer leur singularité comme une contribution essentielle à la réussite du projet d’entreprise.

· Les recruteurs, qui doivent faire preuve d’inventivité notamment au niveau des plateformes et bassins de recrutement pour attirer, développer et reconnaître les talents aux profils atypiques et issus de la diversité.

Ils peuvent pour cela passer par des structures dédiées à la diversité telles que Mozaïk RH pour constituer un vivier différent, et dépasser une vision des talents basée sur le CV et le « pedigree » pour embrasser une vision plus large basée sur ce qu’on appelle aujourd’hui les « soft skills » comme la créativité, la résilience et l’envie de réussir.


Les soft skills que les entreprises s’arrachent - Source : Cadremploi

Voici quelques chiffres intéressants mis en exergue par Assessfirst pour comprendre où nous en sommes actuellement du côté des recruteurs :

- 96% des recruteurs pensent que la diversité est importante pour le succès d’une entreprise.

- 50% estiment même qu’elle a un caractère crucial.

- 60% soulignent le manque de candidats comme problème majeur.

- 61% avouent n’avoir jamais recruté de profils atypiques (définis par : expériences variées, réorientations, arrêts plus ou moins longs, parcours scolaire peu classique, métier passion).

- 35% ont mis en œuvre des actions en faveur de la diversité.

- 88% avancent un manque de budget dédié au recrutement des profils atypiques.

· Les talents à l’embauche, qui quels que soient leur identité, parcours, personnalité doivent se sentir légitimes à postuler et intégrer une organisation en valorisant leurs spécificités au service de la mission. Exemple parlant : pour Inès Seddiki, fondatrice de Ghett’up, une association visant à revaloriser les quartiers populaires auprès de leurs habitants eux-mêmes, « les jeunes des quartiers se sentent illégitimes en tout ».


Là encore les chiffres d’Assessfirst sont parlants :

- 34% des candidats pensent que le fait d’être atypique a pu jouer négativement sur leur recrutement.

- 50% affirment que le caractère atypique de leur profil est une difficulté pour trouver une offre adéquate.

- 40% affirment que le caractère atypique de leur profil influe négativement sur le déroulé de l’entretien, 35% sur désirabilité de leur profil, 35% sur l’évolution de leur carrière, 31% sur la réponse reçue aux candidatures.

- 64% pensent que les entreprises ne veulent pas de profils atypiques : 54% avancent la peur du RH de l’erreur de recrutement, 42% la culture de l’entreprise, 39% la tendance des recruteurs à cloner.

- 50% pensent que c’est à l’entreprise de jouer, et 50% que c’est à eux-mêmes de s’adapter.

· Le marketing RH : la transformation culturelle au sein et à l’extérieur de l’entreprise doit être accompagnée par la communication et la diffusion des valeurs et des engagements pris par l’organisation.


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La diversité, au-delà de l’aspect RSE, est donc avant tout une question de leadership. Les entreprises qui veulent progresser et être plus proches de leurs clients (en incluant des collaborateurs qui reflète la société) doivent s’impliquer de manière volontariste et sur le long terme. Les services RH quant à eux sont concernés par la transformation culturelle et l’accompagnement du changement à tous les niveaux : management, recrutement, développement et communication.

Or, aujourd’hui, les actions menées sont plutôt timides, et peuvent parfois s’apparenter à du marketing ou de la communication. En cause, une vision court-termiste orientée performance, le rythme de la vie en entreprise, les biais psychologiques et cognitifs des recruteurs ou ceux des logiciels de tri des candidatures, le manque d’anticipation des besoins RH ou le fait que le sujet soit vu comme secondaire.

Mais sous le regard plus exigeant des Français, la « raison d'être » consacrée par la récente loi Pacte peut devenir un accélérateur pour la diversité et l’inclusion. De même, les preuves de plus en plus nombreuses de leur effet sur la performance devraient encourager les chefs d’entreprises à faire de la valorisation des différences une priorité.

« Avant même de se demander si c’est possible, il faut prendre acte du fait que c’est nécessaire. On n’a plus le choix. Dans un monde qui se transforme rapidement et incessamment, il est impossible de ne compter que sur une petite portion de la population bien née, bien diplômée, ayant bien validé toutes les étapes d’un parcours classique pour créer des richesses », explique Marie Donzel, consultante, experte de l’inclusion et de l’innovation sociale, qui vient de publier « 7 icônes de la pop culture pour comprendre le sexisme » (Editions Fil Rouge).

Je vous laisse sur ce spot d’Apple « Inclusion & Diversity »



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